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LES FRANCS TIREURS.

Il y eut un instant de silence entre les trois hommes ; ils paraissaient en proie à de tristes pensées, et jetaient autour d’eux des regards inquiets.

Le temps, qui jamais ne s’arrête, avait rapidement marché pendant le cours des événements que nous avons rapportés. La nuit presque tout entière s’était écoulée, les premières lueurs de l’aube commençaient à blanchir les parois enfumées de la pulqueria, et déjà quelques habitants éveillés plus tôt que les autres se hasardaient dans les rues : le soleil n’allait pas tarder à paraître.

— Voici bientôt le jour, observa don Serapio en hochant la tête avec inquiétude.

— Qu’importe ? répondit Ramirez.

— Comment, qu’importe ? s’écria avec étonnement don Serapio ; mais il me semble que, pour l’entreprise que nous voulons tenter, une des conditions les plus importantes est le mystère.

— Certes, appuya don Cristoval, si nous attendons que le jour soit entièrement levé, toute surprise devient impossible.

Ramirez haussa les épaules.

— Vous ne connaissez pas l’homme sous les ordres duquel vous vous êtes volontairement placés, répondit-il, ce sont justement les choses impossibles qu’il se plaît à tenter.

— Vous le connaissez donc mieux que nous, vous qui en parlez ainsi ?

— Mieux que vous et que tout le monde, dit le marin avec une certaine animation ; j’ai en lui la foi la plus grande ; depuis dix ans, j’ai vécu à ses côtés, et maintes fois j’ai été à même d’apprécier ce