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LES FRANCS TIREURS.

— Dam ! assez, seigneurie, répondit-il avec une grimace sournoise qui avait sans doute la prétention d’être un sourire.

— Fort bien, voici une once ; en partant nous vous en donnerons une seconde ; seulement souvenez-vous que vous devez être muet et aveugle.

— C’est facile, répondit-il en empochant la pièce d’or et en se retirant à l’écart.

Depuis le départ du Jaguar, les deux officiers étaient en proie à une inquiétude qu’ils ne cherchaient pas à dissimuler, inquiétude dont ne semblait nullement s’apercevoir El Alferez dont au contraire le visage rayonnait.

En effet, l’expédition qu’ils devaient tenter en compagnie du hardi partisan leur paraissait non-seulement téméraire mais insensée, surtout depuis que El Alferez avait si cavalièrement disposé en faveur du Jaguar de trente hommes résolus dont l’appui leur aurait, croyaient-ils, été indispensable.

Après les avoir un instant examiné attentivement :

— Allons, allons, señores, dit en souriant le jeune homme, reprenez courage ; que diable ! vous avez des mines de déterrés ; nous ne sommes pas morts encore, je suppose.

— C’est vrai ; mais nous n’en valons guère mieux, répondit nettement don Serapio.

El Alferez fronça le sourcil.

— Auriez-vous peur, par hasard ? dit-il avec hauteur.

— Nous n’avons point peur de mourir mais seulement d’échouer.

— Cela me regarde, je vous réponds du succès sur ma tête.