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LES FRANCS TIREURS

mexicains, il portait ses habits si riches avec une grâce et une désinvolture inimitables.

Qui était-il ?

Ses meilleurs amis, et il en comptait beaucoup parmi les gens au milieu desquels il était si subitement apparu, n’auraient su le dire.

En Amérique, surtout à l’époque où se passe notre histoire, c’était la chose du monde la plus facile que de cacher et de murer son existence privée ; tout-à-coup un homme intelligent se révélait sans que l’on s’inquiétât ni d’où il venait ni où il allait ; brillant météore, il traçait une ligne lumineuse dans le chaos de la lutte révolutionnaire qu’il éclairait des lueurs étranges d’actions inouïes ; puis cet homme, ce héros inconnu disparaissait aussi subitement qu’il avait surgi ; la nuit se faisait autour de lui, les ténèbres s’épaississaient de plus en plus, et un mystère impénétrable confondait ensemble sa naissance et son tombeau.

L’étranger était un de ces hommes. Lui et le Jaguar se trouvaient ainsi placés dans une situation identique aux yeux de leurs partisans ; mais l’on vit si vite lorsque sonne l’heure de la lutte suprême, que nul ne cherchait à sonder ces ténèbres et à pénétrer le secret des deux jeunes chefs.

Celui dont nous nous occupons en ce moment était communément nommé El Alferez par ses amis et ses ennemis. Ce mot qui, dans la langue espagnole, signifie littéralement sous-lieutenant, était devenu le nom de ce personnage singulier, nom que, du reste, il avait accepté et auquel il répondait.

Maintenant pourquoi lui avait-on donné ce titre si bizarrement choisi ?