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LES FRANCS TIREURS.

vaient et jouaient avec cette insouciance mexicaine que nul événement, si grave qu’il soit, ne parvient à troubler, et engageaient des monceaux d’or qu’ils puisaient à pleines mains dans leurs calzoneras rapiécées.

Ce fut devant ce bouge immonde, par la porte brisée duquel s’échappait, comme d’une bouche de l’enfer, une vapeur rougeâtre chargée d’émanations pestilentielles, que Ramirez s’arrêta.

— Où diable nous conduisez-vous ? lui demanda don Serapio avec une expression de dégoût qu’il ne put maîtriser à l’aspect repoussant de ce repaire.

Le marin posa un doigt sur sa bouche.

— Chut ! dit-il, vous le saurez. Attendez-moi un instant ici ; seulement ayez soin de vous tenir dans l’ombre de façon à ne pas être aperçus : les commensaux de cet honnête établissement ont de si nombreuses raisons de se défier des espions, que s’ils vous voyaient tout à coup apparaître au milieu d’eux ils seraient dans le premier moment capables de vous faire un mauvais parti.

— Mais quelle nécessité, reprit avec insistance don Serapio, nous oblige à entrer dans ce cloaque pour ce que nous avons à nous dire ? Il me semble que nous devons au contraire rechercher la solitude.

Ramirez sourit avec finesse.

— Croyez-vous donc, dit-il, que si je n’avais eu que certaines nouvelles à vous apprendre, je vous aurais amenés jusqu’ici ?

— Pourquoi donc alors ?

— Vous le saurez bientôt, je ne puis rien vous dire en ce moment.

— Allez donc, puisqu’il en est ainsi ; seulement,