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LES FRANCS TIREURS

— Mais l’embarcation ? objecta don Cristoval.

— Soyez tranquille, elle est sous les ordres de Lucas. Si fins limiers que soient les Mexicains, il est homme à jouer à cache-cache avec eux pendant toute la nuit ; d’ailleurs il a mes instructions.

Les officiers s’inclinèrent sans répondre autrement que par un geste d’acquiescement.

Les trois hommes se mirent en marche. Ramirez s’avançait à quelques pas en avant de ses compagnons. Bien que la nuit fût tellement obscure, qu’à dix mètres de distance il fût impossible de distinguer les objets, cependant le marin se dirigeait à travers les rues étroites et tortueuses de la ville avec autant de facilité et de certitude que s’il l’eût parcourue en plein jour, aux rayons éblouissants du soleil.

Tout près du cabildo, à l’angle de la place Mayor, s’élevait une espèce de cabane faite de débris de navires assemblés et cloués tant bien que mal, qui offrait, à l’heure accablante de midi, un abri précaire aux leperos et aux désœuvrés de toute espèce qui s’y réunissaient pour fumer, boire du mezcal ou jouer au Monte, ce jeu si cher aux Hispano-Américains de toutes les classes.

L’intérieur de ce rancho suspect décoré du nom de pulqueria, répondait parfaitement à l’aspect misérable de l’extérieur ; dans une vaste salle éclairée seulement par la lumière douteuse d’un candil fumeux, une foule d’individus aux visages farouches, couverts de haillons sordides et armés jusqu’aux dents, se pressaient autour de quelques planches posées en équilibre sur des barriques vides et qui servaient de table ; ces hommes bu-