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LES FRANCS TIREURS.


¿ Que rumor
Lejos suena,
Que el silencio
En la serena
Negra noche interrumpio ?[1]

À peine l’homme qui chantait eut-il terminé ces cinq vers, que l’un des officiers continua la chanson d’une voix sonore, répondant sans doute au signal qui lui était fait par le patron de l’embarcation :

¿ Es del caballo la veloz carrera,
Tendido eo el escape volador,
O el aspero rugir de hambrienta fiera,
O el silbido tal vez del aquilon ?[2]

Il y eût un temps d’arrêt de quelques secondes pendant lequel on n’entendit d’autre bruit que le clapotement monotone des lames qui venaient mourir sur la plage en roulant les galets, ou les grincements lointains de quelques jarabès ou vihuelas, jouant ces seguedillas et ces tyranas si chères à tous les peuples de race espagnole ; enfin la voix qui la première avait entonné la chanson reprit, mais cette fois avec une intonation approchant de la menace, sans que pourtant l’homme qui parlait parût s’adresser à personne en particulier.


  1. Quelle rumeur

    résonne au loin,

    qui interrompt

    le silence placide

    de la nuit noire ?

  2. Serait-ce du cheval la course rapide,
    lancé sur l’étroite carrière,
    ou le rugissement féroce d’un fauve affamé,
    ou peut-être les sifflements de l’aquilon ?