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LES FRANCS TIREURS

ils demeurèrent immobiles comme des statues sans échanger une parole.

Quelques minutes se passèrent ainsi ; les ténèbres s’obscurcissaient de plus en plus, les bruits de la ville s’éloignaient insensiblement, et les promeneurs chassés par le froid de la nuit quittaient le bord de la mer pour rentrer dans l’intérieur des rues. Bientôt la plage fut complètement déserte ; seuls les deux officiers demeurèrent appuyés contre les canons.

Enfin un bruit éloigné, à peine perceptible, mais que des oreilles exercées devaient reconnaître, s’éleva de la mer ; ce bruit se fit peu à peu de plus en plus distinct, et il fut facile surtout à des marins d’entendre le bruit sec et cadencé des avirons d’une embarcation frappant contre les dames et tombant dans la mer, bien que ces avirons, par le son sourd qu’ils rendaient, dussent être garnis au portage et maniés avec une extrême précaution.

En effet, l’embarcation elle-même ne tarda pas à se faire visible ; sa longue silhouette noire dessina ses sombres contours sur la bande lumineuse tracée par la lune sur les flots, s’approchant du môle avec une extrême rapidité.

Les deux officiers avaient curieusement penché le corps en avant, sans cependant quitter le poste d’observation qu’ils avaient choisi.

Arrivée à une portée de pistolet du môle, l’embarcation s’arrêta.

Soudain une voix rude, mais contenue par la prudence sans doute, s’éleva dans le silence, fredonnant les premiers vers de cette chanson bien connue dans ces parages :