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LES FRANCS TIREURS.

Les bateliers s’éloignèrent moitié fâchés, moitié satisfaits, et les officiers demeurèrent enfin seuls sur le môle.

Nous avons dit que depuis quelque temps déjà le soleil était couché, donc la nuit était sombre ; cependant les deux officiers, pour s’assurer sans doute que les ténèbres ne recelaient aucun espion, parcoururent à plusieurs reprises le môle dans toute sa longueur, en causant entre eux à voix basse et en examinant avec la plus scrupuleuse attention les endroits qui auraient pu offrir un abri à un surveillant quelconque.

Ils étaient bien seuls.

L’un d’eux sortit de sa poitrine un de ces sifflets en argent, semblable à ceux dont se servent les contre-maîtres à bord des navires ; puis, après l’avoir approché de ses lèvres, il en tira à trois reprises différentes un son doux et prolongé.

Quelques minutes se passèrent sans que rien vînt prouver aux officiers que leur signal avait été entendu.

Enfin, un léger sifflement, faible comme le dernier souffle de la brise, traversa l’espace et vint mourir aux oreilles des deux hommes qui écoutaient, le corps penché en avant et le visage tourné vers la mer.

— Ils viennent, dit l’un.

— Attendons, répondit laconiquement son compagnon.

Ils s’enveloppèrent avec soin dans leurs manteaux pour se garantir de l’air humide que la mer leur apportait ; ils s’appuyèrent contre un canon planté debout, servant à amarrer les chaloupes, et