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LES FRANCS TIREURS

leur marchandise, et de serenos armés jusqu’aux dents et cherchant à maintenir le bon ordre.

Et toute cette foule allait, venait, courait, s’arrêtait, se poussant et se coudoyant, riant, chantant, criant, disputant, faisant aboyer les chiens et pleurer les enfants.

Deux jeunes gens revêtus du gracieux et sévère uniforme des officiers de la marine des États-Unis, venant de l’intérieur de la ville, arrivaient en se frayant à grand’peine un chemin à travers la foule qui les arrêtait à chaque pas sur le port, se dirigeant vers le môle, autour duquel se trouvaient amarrées un grand nombre de pirogues de toutes formes et de toutes grandeurs.

À peine ces officiers atteignirent-ils le débarcadère, qu’ils se virent entourés d’une vingtaine de bateliers qui leur offrirent leurs services, en exagérant à qui mieux mieux, selon leur louable habitude, les qualités surprenantes et la vélocité sans pareille de leurs embarcations respectives, et cela dans ce patois bâtard qui n’appartient à aucune langue, mais qui est formé de mots pris au hasard dans toutes, et au moyen duquel, dans tous les ports de mer du monde, les gens du pays et les étrangers sont parvenus à se comprendre, et qu’on nomme dans les Échelles du Levant la langue franque.

Après avoir jeté un coup d’œil indifférent sur les nombreuses pirogues qui se balançaient devant eux, les officiers congédièrent, en refusant péremptoirement leurs services, les bateliers dont ils ne parvinrent cependant à se débarrasser qu’en leur affirmant qu’ils avaient une embarcation et en leur jetant quelques piastres en menue monnaie.