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LES FRANCS TIREURS.

nous ne ferions qu’accomplir son plus cher désir, il nous l’a avoué lui-même ; laissons-le vivre, puisque nous voulons le punir, mais que cette vie qu’il conservera lui devienne tellement à charge, soit si misérable, qu’il regrette éternellement de ne pas être tombé sous nos poignards ; cet homme est jeune, beau, riche et honoré de ses concitoyens ; enlevons-lui, non pas ses richesses : quant à présent, cela n’est pas en notre pouvoir, mais cette beauté, cette fleur de jeunesse dont il est si fier, et faisons-en l’être le plus misérable et le plus méprisé de la création. De cette façon, notre vengeance sera complète, nous aurons atteint notre but en imprimant une juste terreur au cœur de ceux qui seraient tentés plus tard de suivre son exemple.

Les conjurés, malgré toute leur résolution et leur courage, éprouvaient, malgré eux, une secrète épouvante en entendant les féroces paroles de leur chef, dont la sombre physionomie reflétait une énergie terrible,

— Don Lopez Hidalgo d’Avila, reprit le Jaguar d’une voix sourde, traître à vos frères, votre langue menteuse sera arrachée, vos oreilles coupées : tel est le jugement que moi, le chef des francs-tireurs, je prononce contre vous, et afin que chacun sache bien que vous êtes un traître, un T sera imprimé sur votre front, entre vos deux sourcils.

Cet arrêt causa un instant de stupeur parmi les assistants ; mais bientôt un rugissement de tigre s’échappa de toutes ces poitrines haletantes, et ce fut avec des trépignements de joie féroce que ces hommes se préparèrent à exécuter le jugement atroce prononcé par leur chef.