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LES FRANCS TIREURS

Soudain le jeune homme releva la tête ; un fulgurant éclair passa dans son regard, un étrange sourire crispa ses lèvres, et d’une voix saccadée, du ton d’une amère ironie :

— Vos frères vous ont condamné à mourir, dit-il, eh bien ! moi, leur chef, je vous condamne à vivre.

Don Lopez, malgré tout son courage, se sent pâlir à cette parole incisive et hachée par une émotion contenue ; instinctivement il se baissa pour ramasser les armes qu’il avait précédemment jetées à ses pieds.

Mais le Jaguar devina sa pensée. ;

— Emparez-vous de cet homme ! s’écria-t-il.

John Davis et deux ou trois autres conjurés s’élancèrent sur le Mexicain, et malgré la vive résistance qu’il leur opposa, ils l’eurent bientôt réduit à l’impuissance.

— Garottez-le, dit encore le Jaguar.

Cet ordre fut immédiatement exécuté.

— Maintenant, écoutez-moi, frères, reprit le Jaguar d’une voix vibrante, la tâche que nous nous sommes donnée, est une tâche immense, hérissée de périls et de difficultés de toutes sortes ; nous ne sommes plus des hommes, nous sommes des lions, ceux qui tombent dans nos mains doivent éternellement porter l’empreinte de notre griffe puissante. Ce que cet homme a fait dans un but honorable à ses yeux, un autre pourrait être tenté de le faire pour satisfaire une passion sordide. La mort n’est que la fin de la vie, un moment à passer ; bien des hommes la souhaitent par désœuvrement, par ennui ou par dégoût. Don Lopez nous a dit lui-même qu’il voulait nous donner une leçon profitable, il ne s’est pas trompé, elle nous profitera en effet. En le tuant,