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LES FRANCS TIREURS

faut tenter ; l’heure est venue de jouer résolument notre tête dans une partie glorieuse et décisive. Êtes-vous prêts ?

— Nous le sommes, répondirent-ils d’une seule voix.

— Réfléchissez encore avant que de vous engager davantage, continua l’homme masqué d’une voix vibrante. Cette fois, je vous le répète, nous attaquerons le taureau par les cornes, nous lutterons corps à corps avec lui : sur cent chances, quatre-vingt-dix-huit sont contre nous.

— Qu’importe, répondit fièrement le personnage qui le premier était entré dans le salon, qu’importe ? S’il nous reste deux chances, elles nous suffiront.

— Je n’attendais pas moins de vous, John Davis, dit l’inconnu, vous avez toujours été l’homme du dévoûment et de l’abnégation ; mais peut-être que parmi nos compagnons quelques-uns ne pensent pas entièrement comme vous. Je ne leur en fais pas un crime, on peut aimer sa patrie avec passion sans cependant consentir à lui faire sans regret le sacrifice de sa vie ; seulement, il faut que je puisse entièrement compter sur ceux qui me suivront ; il faut qu’eux et moi n’ayons qu’un cœur et qu’une pensée. Que ceux donc auxquels il répugnerait de s’associer à l’œuvre que nous devons accomplir cette nuit, se retirent. Je sais que si cette fois la prudence les oblige de s’abstenir, dans toute autre circonstance moins désespérée, je les trouverai prêts à me soutenir.

Il y eut un assez long silence ; personne ne bougea.