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LES FRANCS TIREURS.

larges pagaies, se dirigea vers la ville et vint accoster le môle en planches qui servait alors de débarcadère.

Dès que la pirogue fut immobile, un troisième individu, nonchalamment couché à l’arrière de l’embarcation, se leva, regarda autour de lui comme pour reconnaître l’endroit où il se trouvait ; puis, prenant son élan, d’un bond il sauta sur le môle.

La pirogue vira immédiatement de bord et s’éloigna rapidement, sans qu’un seul mot eût été échangé entre les pagayeurs et le passager qu’ils avaient amené.

Celui-ci enfonça alors son chapeau sur les yeux, s’enveloppa avec soin dans les plis d’un large zarapé de fabrique indienne et à couleurs voyantes, et il se dirigea à grands pas vers le centre de la ville.

Après quelques minutes de marche l’inconnu s’arrêta devant une maison dont l’apparence confortable et le jardin bien entretenu montrait qu’elle appartenait à une personne sinon riche, du moins à son aise,

La porte était entr’ouverte ; l’inconnu la poussa, entra et la referma derrière lui ; puis, sans hésiter, comme un homme sûr de son fait, il traversa le jardin dans lequel il ne rencontra personne, franchit le péristyle de la maison, tourna à droite et se trouva dans un salon modestement, bien que confortablement meublé.

Arrivé là, l’inconnu se laissa aller sur une butacca avec le geste d’un homme fatigué charmé de se reposer après une longue course, se débarrassa de son zarapé qu’il plaça sur un équipal, jeta son chapeau par-dessus, puis, lorsqu’il se fut ainsi installé, il tordit une cigarette de maïs, battit le briquet avec un