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feindre ne pas comprendre son redoutable interlocuteur, car, ainsi que nous l’avons fait observer déjà, le chef s’exprimait en mauvais espagnol, langue que toutes les tribus indiennes comprennent et que, malgré leur répugnance à s’en servir, ils emploient cependant dans leurs transactions avec les blancs.

La matinée était magnifique ; les arbres dont les feuilles étaient perlées de rosée, semblaient plus verts ; un léger brouillard imprégné des suaves senteurs matinales s’élevait de terre et était pompé par les rayons du soleil qui, d’instant en instant, se faisaient plus chauds.

Le camp tout entier était encore plongé dans le sommeil : seuls le chef et le moine étaient éveillés.

Après un instant de silence, le Renard-Bleu reprit la parole :

— Que mon père écoute, dit-il, un chef va parler : le Renard-Bleu est un sachem, sa langue n’est pas fourchue, les paroles que souffle sa poitrine sont inspirées par le Grand-Esprit.

— J’écoute, répondit fray Antonio,

— Le Renard-Bleu n’est pas un Apache, bien qu’il en porte le costume et qu’il guide sur le sentier de la guerre une de leurs plus puissantes tribus ; le Renard-Bleu est un Pawnée-Serpent, sa nation est aussi nombreuse que les grains de sable sur les bords du lac sans rivage. Il y a bien des lunes que le Renard-Bleu a quitté, sans retour, les territoires de chasse de sa nation pour devenir un fils d’adoption des Apaches, pourquoi le Renard-Bleu a-t-il agi ainsi ?

Le chef s’arrêta.