Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
LES FRANCS TIREURS

taillées sur la manière dont ils devaient agir, exécutèrent la même manœuvre.

L’absence des batteurs d’estrade fut longue, ou du moins parut telle à tous ces hommes impatients de bondir sur leurs ennemis et de commencer l’attaque.

Enfin Tranquille reparut, il était soucieux, ses sourcils étaient froncés, une sombre inquiétude semblait l’agiter.

Ces indices n’échappèrent pas au colonel.

— Qu’avez-vous ? lui demanda-t-il ; est-ce que les rebelles ont pris l’éveil ? avez-vous remarqué dans leur camp quelques signes d’agitation ?

— Non, répondit-il, les regards obstinément cloués devant lui comme s’il eût voulu percer les ténèbres et en deviner les mystères, je n’ai rien vu, rien remarqué, le calme le plus profond règne en apparence dans le camp.

— En apparence, dites-vous ?

— Oui, car il est impossible que ce calme soit réel ; les insurgés texiens sont, pour la plupart, de vieux chasseurs habitués aux rudes fatigues de la vie du désert. Que pendant la première partie de la nuit, ils ne se soient pas aperçus de l’apathique négligence des sentinelles apaches, à la rigueur je le comprends, mais ce que je n’admets pas, ce que je ne puis admettre en aucune façon, c’est que dans le cours de la nuit entière, pas un de ces partisans auxquels la prudence est si impérieusement recommandée, ne se soit réveillé pour visiter les postes et s’assurer que tout était en ordre, le Jaguar surtout, cet homme de fer qui ne dort jamais et qui, quoique bien jeune encore, possède toute la sagesse et l’ex-