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LES FRANCS TIREURS.

d’un air pensif sur le canon de son rifle, dont la crosse reposait à terre.

Bientôt on entendit au dehors comme un imperceptible bourdonnement d’abeilles dans la ruche. C’était le camp qui s’éveillait.

Le Jaguar rentra.

— Maintenant, dit-il, les ordres sont donnés ; avant un quart d’heure, quatre cents hommes auront pris les armes.

— C’est plus de temps qu’il ne nous en faut pour ce que j’ai à vous dire ; mon plan est des plus simples, et, si vous le suivez de point en point, nous entrerons dans l’hacienda sans coup férir ; écoutez-moi avec attention.

— Parlez.

Le vieillard approcha un équipal de la table devant laquelle se tenait le Jaguar, s’assit, plaça son rifle entre ses jambes et commença.

— Il y a fort longtemps que je connais l’hacienda del Mezquite, dit-il. À la suite d’événements trop longs à vous raconter et qui ne vous intéresseraient que médiocrement, je fus pendant près d’un an un de ses habitants en qualité de mayordomo. À cette époque, le père du propriétaire actuel vivait encore, pour certaines raisons, il avait en moi la plus grande confiance. Vous savez que lorsqu’à l’époque de la conquête les Espagnols construisirent ces haciendas, ils en firent plutôt des forteresses que des fermes, contraints qu’ils étaient de se défendre presque chaque jour contre les agressions des Peaux-Rouges ; or, il faut que vous sachiez que dans toute forteresse il existe une porte masquée, une sortie secrète qui, au besoin, sert à la garnison, soit pour recevoir des