Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
LES FRANCS TIREURS.

agita tous ses membres ; mais, par un effort violent, il parvint à maîtriser l’émotion qu’il éprouvait, et, au bout de quelques instants, il répondit d’une voix calme mais dans laquelle restait encore un peu de la tempête qui grondait sourdement au fond de son cœur.

— Je vous pardonne, dit-il ; vous deviez me parler ainsi que vous l’avez fait, je ne puis vous en vouloir. Le temps s’écoule, il est près d’une heure du matin ; bientôt il sera trop tard pour exécuter le hardi projet que j’ai formé ; je n’ajouterai qu’un mot : réfléchissez avant de me répondre, car de cette réponse dépendra ma résolution. Le motif qui me pousse à vous offrir de vous introduire dans l’hacienda m’est tout personnel, il ne vous touche ni ne vous regarde en rien.

— Mais quelle garantie me donnez-vous de la sincérité de vos intentions ?

Le vieillard fit un pas en avant, redressa sa haute taille, et d’une voix empreinte d’un accent de majesté suprême :

— Ma parole, dit-il, la parole d’un homme qui, quoi qu’on rapporte sur son compte, n’a jamais failli à ce qu’il se doit lui-même ; je vous jure sur l’honneur, en présence de ce Dieu devant lequel vous et moi nous comparaîtrons peut-être bientôt, que mes intentions sont pures et loyales, sans aucune arrière-pensée de trahison. Maintenant, répondez, que résolvez-vous ?

En prononçant ces paroles, l’attitude du vieillard, ses gestes, son visage même étaient empreints de tant de noblesse et de grandeur qu’il semblait transfiguré.