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LES FRANCS TIREURS.

que cette fois soit la première qui nous ait mis face à face ? L’homme ne peut pas plus répondre du passé que de l’avenir, l’un et l’autre sont dans les mains d’un plus puissant que lui, de Celui qui juge immédiatement les actions et pour lequel il n’y a qu’un poids et qu’une mesure : Dieu, enfin.

— Je m’étonne, répondit le Jaguar intéressé malgré lui, que le nom de Dieu se trouve si souvent sur vos lèvres.

— Parce qu’il est profondément gravé dans mon cœur, répondit le vieillard avec une teinte de sombre tristesse qui répandit un voile de mélancolie sur ses traits austères. Vous avez dit vous-même que vous ne vouliez pas me juger ; conservez de moi la mauvaise impression que vous ont laissée des récits peut-être mensongers ; peu m’importe l’opinion des hommes, je ne reconnais d’autre juge de mes actions que ma conscience.

— Soit ; maintenant permettez-moi de vous faire observer que le temps s’écoule rapidement, que la nuit s’avance, que de sérieuses occupations me réclament et que j’ai besoin d’être seul.

— En un mot, vous me mettez à la porte ; malheureusement, il ne me plaît pas, quant à présent, d’accéder à votre désir, ou, si vous le préférez, d’obéir à votre ordre ; je veux d’abord répondre à toutes vos questions, puis, si vous l’exigez encore, je me retirerai.

— Cette obstination de votre part pourrait, prenez-y garde, avoir pour vous des conséquences funestes.

— Pourquoi menacer celui qui ne nous insulte pas ? répondit le vieillard toujours impassible ;