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LES FRANCS TIREURS.

Ses regards farouches, sa physionomie dure rendue plus sévère encore par sa longue barbe blanche, sa taille haute, son accoutrement bizarre, tout en lui inspirait la répulsion et presque la crainte.

Le mouvement du Jaguar fit naître un sourire sinistre sur ses lèvres pâles.

— À quoi bon chercher vos armes ? dit-il d’une voix rauque en frappant de la paume de la main droite sur le canon de son rifle : si j’avais eu l’intention de vous tuer, depuis longtemps déjà vous seriez mort.

Le jeune homme fit opérer un mouvement de rotation à son équipal, qui le plaça face à face avec l’étranger.

Les deux hommes s’examinèrent un instant avec l’attention la plus minutieuse.

— M’avez-vous assez regardé ? reprit enfin l’étranger.

— Oui, répondit le Jaguar, maintenant dites-moi qui vous êtes, ce qui vous amène ici, et comment vous êtes parvenu jusqu’à moi.

— Voilà bien des questions à la fois, cependant je tâcherai d’y répondre ; qui je suis, nul ne le sait, il y a des moments où je l’ignore moi-même : je suis un maudit et un réprouvé, rôdant dans le désert comme une bête fauve en quête d’une proie ; les Peaux-Rouges dont je suis l’ennemi implacable et auxquels j’inspire une terreur superstitieuse, me nomment le Kiéin-Stomann ; ces renseignements vous suffisent-ils ?

— Quoi, s’écria le jeune homme, au comble de la surprise, ce Scalpeur-Blanc… ?

— C’est moi, répondit tranquillement l’étranger