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LES FRANCS TIREURS

qu’elle avait à surmonter, avançait avec un courage admirable, ne se plaignant jamais et supportant sans paraître s’en apercevoir les égratignures des ronces et des épines qui lui déchiraient les mains et lui causaient les douleurs atroces.

Après trois heures d’efforts gigantesques sur les traces du Tigrero, celui-ci s’arrêta et leur dit à voix basse de regarder autour d’eux.

Ils levèrent la tête : il se trouvaient au milieu du camp des insurgés texiens.

Tout autour d’eux, aux rayons de la lune, ils voyaient s’allonger les énormes silhouettes des cavaliers indiens appuyés sur leurs longues lances, immobiles comme des statues équestres, sentinelles vigilantes veillant au salut de leurs frères les Visages-Pâles.

Les jeunes filles sentirent un frisson de terreur parcourir leur corps à cet aspect si peu fait pour les rassurer.

Heureusement pour elles les Indiens se gardent fort mal et le plus souvent ne posent des sentinelles que pour la montre et effrayer l’ennemi ; dans la circonstance présente, comme ils savaient fort bien qu’ils n’avaient aucune sortie à redouter de la part de la garnison du Mezquite, les sentinelles dormaient presque toutes, mais le moindre geste mal calculé, le moindre faux pas pouvait les éveiller, car ces hommes habitués à tenir leurs sens en alerte ne peuvent presque jamais être pris en défaut.

À deux cents pas au plus des aventuriers s’élevaient les premières redoutes du Mezquite, mornes, silencieuses et, en apparence du moins, abandonnées ou plongées dans le sommeil.