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LES FRANCS TIREURS.

tombée dans une rêverie profonde, que sa compagne, avec ce sentiment du convenance inné chez les Peaux-Rouges, se garda bien de troubler.

Cependant le temps s’écoulait, l’ombre s’épaississait dans la grotte, car la nuit était venue ; les deux femmes, redoutant de demeurer seules dans l’obscurité, se préparaient à rejoindre leurs compagnons, lorsqu’un bruit de pas se fit entendre, et Tranquille entra.

— Comment ! leur dit-il, vous n’êtes pas prêtes ? Hâtez-vous de revêtir vos costumes masculins, une minute est un siècle.

Les jeunes filles ne se le firent pas répéter ; elles disparurent dans un compartiment voisin, et revinrent au bout de quelques instants entièrement déguisées et méconnaissables.

— Bien, fit le Canadien en les examinant un instant, nous allons tenter de nous introduire au Mezquite ; maintenant suivez-moi, et de la prudence.

Les huit personnes sortirent de la grotte, glissant dans les ténèbres comme des fantômes.

Nul ne peut, s’il ne l’a expérimenté par lui-même, se figurer ce que c’est qu’une marche de nuit dans le désert, lorsque l’on craint à chaque instant de tomber entre les mains des invisibles ennemis qui vous guettent derrière chaque buisson.

Tranquille s’était placé en tête de la petite troupe qui marchait en file indienne, parfois se courbant jusqu’à terre, se traînant sur les genoux ou rampant sur le ventre, se confondant le plus possible avec l’ombre afin de dissimuler son passage.

Doña Carméla, malgré les difficultés inouïes