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LES FRANCS TIREURS

elle ne servirait pas au Texas contre les troupes libératrices.

— Avez-vous fini ? dit le colonel avec une impatience mal déguisée.

— Pas encore, répondit froidement le Jaguar.

— Terminez donc sans plus tarder.

À voir ces deux hommes se lançant des regards courroucés et placés ainsi face à face dans une position aussi hostile, certes, nul n’aurait supposé qu’ils s’aimaient et gémissaient au fond du cœur du pénible rôle que la fatalité les appelait à jouer contre leur volonté.

C’est que chez l’un le fanatisme militaire et chez l’autre l’ardent amour de la patrie avaient imposé silence à tout autre sentiment pour ne plus leur en laisser écouter qu’un, le plus impérieux de tous, le sentiment du devoir.

— Le Jaguar, toujours calme et froid, reprit la parole avec le même accent ferme et résolu.

— Si contre mes prévisions, dit-il, ces conditions sont refusées et que la place s’obstine à se défendre, l’armée libératrice l’investira immédiatement, poussera le siége avec toute la vigueur dont elle sera susceptible, puis lorsque l’hacienda sera prise, elle subira le sort des villes prises d’assaut ; la garnison sera décimée, et elle demeurera prisonnière jusqu’à la fin de la guerre.

— Soit, répondit ironiquement le colonel ; quelque dures que soient ces conditions, nous les préférons au premières, et si le sort des armes nous trahit, nous subirons sans nous plaindre la loi du vainqueur.

Le Jaguar s’inclina cérémonieusement.