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LES FRANCS TIREURS

taient de son cœur à son cerveau et l’enlevaient aux préoccupations de sa situation présente.

Depuis longtemps déjà il était plongé dans cette espèce de prostration, lorsqu’une voix amie résonna à son oreille.

Le Jaguar, subitement tiré de sa rêverie par le son de cette voix qu’il crut reconnaître, releva vivement la tête et fit un geste de surprise en reconnaissant don Juan Melendez de Gongora.

C’était en effet le colonel qui lui avait parlé.

Le chef texien se leva, et s’adressant à ses officiers :

— En arrière, caballeros, dit-il ; ce gentilhomme et moi, nous avons à causer de choses que nul ne doit entendre.

Les Texiens reculèrent hors de la portée de la voix.

Le colonel était seul : en reconnaissant le Jaguar, il avait ordonné à son escorte de l’attendre au pied des retranchements.

— C’est donc vous que je retrouve ici, mon ami, dit le Jaguar avec tristesse.

— Oui, répondit le jeune officier ; la fatalité semble s’obstiner à nous opposer continuellement l’un à l’autre.

— Déjà, reprit l’indépendant, en examinant la hauteur et la force de vos murailles, j’avais reconnu les difficultés de la tâche qui m’est imposée : ces difficultés deviennent presque des impossibilités maintenant.

— Hélas ! mon ami, ainsi le veut le sort, nous sommes contraints de nous soumettre à ses caprices, bien que déplorant au fond du cœur ce qui arrive,