Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
LES FRANCS TIREURS.

— Je ne vois pas la jeune vierge pâle, dit-il.

— Est-ce à elle ou à moi que vous vouliez parler ? répondit sèchement le Canadien ; me voici prêt à vous entendre. Qu’avez-vous à me dire ?

L’Indien fronça les sourcils ; ses soupçons lui revinrent : il jeta un regard de menace au moine qui, selon la recommandation qui lui avait été faite, s’était éloigné insensiblement de quelques pas et se préparait à assister, impassible en apparence, à la scène qui allait se passer.

Cependant, après une lutte intérieure de quelques secondes, le sachem parvint à maîtriser la colère qui l’agitait sourdement, et, prenant une physionomie affable et confiante :

— C’est à mon frère seul que je voulais parler, répondit-il d’une voix insinuante. Le Renard-Bleu désirait depuis bien des lunes revoir le visage d’un ami.

— Si cela était réellement ainsi que le dit le chef, reprit le Canadien, rien ne lui aurait été plus facile. Bien des jours se sont succédé les uns aux autres, bien des années se sont enfouies dans le gouffre immense du passé depuis l’époque où, jeune et plein de foi, je nommai le Renard-Bleu mon ami. À cette époque il avait un cœur pawnée, maintenant il l’a arraché de sa poitrine pour le changer contre un cœur apache, je ne le connais plus.

— Le grand chasseur des Visages-Pâles est sévère pour son frère rouge, répartit l’Indien avec une feinte humilité ; qu’importent les jours écoulés, si le chasseur retrouve son ami d’autrefois ?

Le Canadien sourit avec mépris, en haussant les épaules.