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LES FRANCS TIREURS

malgré toute sa finesse, le chef s’y laissa prendre.

— Le grand chasseur pâle est venu seul ?

— Non, fit nettement fray Antonio.

— Si cela est ainsi, le Renard-Bleu n’ira pas.

— Le chef réfléchira.

— À quoi bon réfléchir ? le père a trompé son ami rouge.

— Le chasseur ne pouvait venir seul.

— Parce que ?

— Parce qu’il ne voulait pas laisser dans la forêt la jeune fille qu’il accompagne.

Le visage de l’Indien s’éclaircit tout à coup et prit une expression d’astuce extraordinaire.

— Ooah ! fit-il, et nulle autre personne que la jeune vierge pâle n’accompagne le grand chasseur pâle ?

— Non ; il paraît que les autres guerriers blancs qui se trouvaient près de lui l’ont quitté au lever du soleil.

— Mon père sait-il où ils sont allés ?

— Je ne m’en suis pas informé ; cela ne me regarde pas ; chacun a assez de ses affaires sans s’occuper de celles des autres.

— Mon père est un homme sage.

Le moine ne répondit rien à ce compliment.

Ces paroles avaient été rapidement échangées entre les deux hommes. Fray Antonio avait répondu si naturellement, avec une franchise si bien jouée, que l’Indien, dont les réponses du Mexicain flattaient intérieurement les secrètes pensées, sentit s’évanouir tous ses soupçons et donna tête baissée dans le piège qui lui était si adroitement tendu.

— Ocht ! dit-il, le Renard-Bleu verra son ami ;