Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LES FRANCS TIREURS.

— Non, dit nettement le chef, je ne quitterai pas mes amis pâles dans le danger.

— Pardieu ! s’écria Tranquille d’un air joyeux, puisqu’il en est ainsi, nous allons rire ; du diable si cinq hommes résolus et bien armés ne viennent pas à bout d’une centaine d’Apaches ! Écoutez-moi, compagnons : tandis que moi je me rendrai ostensiblement au rendez-vous que j’ai assigné au Renard-Bleu, suivez-moi à l’indienne et soyez prêts à paraître aussitôt que je vous en aurai fait le signal en imitant le cri de l’épervier d’eau.

— C’est dit.

— Quant à vous, Lanzi, et vous, Quoniam, veillez sur Carméla.

— Nous veillerons tous sur elle, mon ami, fiez-vous à nous, dit le Cœur-Loyal.

Tranquille fit un dernier adieu à ses amis, jeta son rifle sur l’épaule et quitta le campement.

À peine eut-il disparu que les chasseurs s’allongèrent sur le sol et suivirent sa trace en rampant ; Carméla, guidée par l’Oiseau-qui-chante, forma l’arrière-garde.

Malgré elle, la jeune fille sentait un frisson de terreur agiter ses membres lorsqu’elle s’engagea dans la forêt. Cette course nocturne, dont l’issue pouvait être si fatale, l’épouvantait et lui suggérait de sombres pressentiments qu’elle redoutait à chaque pas de voir se réaliser.

Cependant, fray Antonio avait continué sa route et n’avait pas tardé à sortir de la forêt.

Loin que sa résolution chancelât au fur et à mesure qu’il se rapprochait des Apaches, il la sentait au contraire devenir plus ferme. Le moine avait