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LES FRANCS TIREURS

roses qui volent en longs circuits en poussant des cris aigus que d’ici vous pouvez entendre ?

— Certes, je vois des oiseaux, mais qu’ont-ils de commun..... ?

— Colonel, dit le mayordomo en l’interrompant vivement et en se redressant de toute sa hauteur, préparez-vous à vous défendre ; voilà l’ennemi.

— Comment ! voilà l’ennemi ? Vous êtes fou, don Félix ; voyez aux dernières lueurs du jour : la plaine est déserte.

— Colonel, avant d’être mayordomo de l’hacienda del Mezquite, j’ai quinze ans fait la vie de coureur des bois ; le désert pour moi est comme un livre dans lequel je puis lire à chaque page. Examinez le vol saccadé de ces oiseaux, faites attention aux innombrables troupes qui se joignent incessamment à celles que nous avons précédemment aperçues ; ces oiseaux, chassés en masse de leurs repaires, errent à l’aventure et fuient devant un ennemi que vous ne tarderez pas à voir paraître. Cet ennemi, c’est l’armée insurgée dont les masses surgiront bientôt à nos regards précédées peut-être de l’incendie.

— Rayo de Dios ! senor don Félix, s’écria tout à coup le colonel, vous avez dit vrai, regardez.

Une ligne rouge qui s’élargissait d’instant en instant apparut subitement à l’extrême limite de l’horizon.

— Le vol des oiseaux nous a-t-il trompés ? demanda le mayordomo.

— Pardonnez-moi, ami, une ignorance bien excusable, mais nous n’avons pas un instant à perdre.

Ils redescendirent aussitôt.