Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
LES FRANCS TIREURS

certain de tenir quinze jours et même davantage s’il le fallait contre des troupes plus nombreuses et plus expérimentées que celles dont pouvaient disposer les insurgés.

Les travaux de fortification avaient été menés avec une si grande activité, que vingt-quatre heures après l’arrivée du colonel à l’hacienda, ils étaient terminés.

Les batteurs d’estrade, expédiés dans toutes les directions, étaient revenus pour la plupart sans rapporter de nouvelles de l’ennemi, dont les mouvements étaient dissimulés avec une si complète adresse que, depuis l’affaire de la conducta, il semblait avoir disparu sans laisser de traces, et s’être enfoui dans les entrailles de la terre.

Cette ignorance complète de nouvelles, loin de rassurer le colonel, accroissait au contraire ses inquiétudes. Ce calme factice, cette tranquillité morne du paysage lui semblaient plus menaçants que s’il eût appris l’approche de l’ennemi, dont, tout invisible qu’il demeurât, il sentait cependant, par une espèce d’intuition secrète, les masses se resserrer peu à peu autour du poste qu’il avait mission de défendre.

C’était le second jour après l’entrée des Mexicains au Mezquite : le soleil disparaissait derrière les montagnes dans des flots de poudre d’or ; la nuit n’allait pas tarder à tomber ; le colonel Melendez et le mayordomo don Félix Paz, accoudés sur un des créneaux de la plate-forme, laissaient distraitement errer leurs regards sur l’immense paysage qui se déroulait à leurs pieds, tout en causant entre eux.

Don Juan Melendez avait en quelques minutes