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LES FRANCS TIREURS.

à votre secours ; seulement il vous faut, coûte que coûte, résister jusque-là.

— Je vous ai déjà dit que je tiendrai, général.

— Je sais que vous le ferez. Maintenant, mon ami, à cheval, et bonne chance !

— Merci, général.

Le colonel salua et se retira immédiatement pour aller se mettre à la tête de la petite troupe qui, massée à quelque distance, n’attendait que sa présence pour se mettre en route.

Le général se plaça à l’entrée de la tente, afin d’assister au départ.

Don Juan se mit en selle, dégaina son sabre, et se tournant vers le détachement immobile :

— En avant, commanda-t-il.

Aussitôt les escadrons s’ébranlèrent et commencèrent à s’allonger dans l’ombre comme les noirs replis d’un sinistre serpent.

Le général demeura sur le seuil de sa tente aussi longtemps que le plus léger bruit se fit entendre, puis, lorsque le dernier cliquetis se fut évanoui dans la nuit, il rentra tout pensif et laissa derrière lui retomber le rideau, en murmurant d’une voix basse et triste :

— C’est à la mort que je les envoie, car Dieu combat avec nos adversaires !

Et après avoir, à plusieurs reprises, secoué la tête d’un air découragé, le vieux soldat de l’indépendance se laissa tomber sur un équipal, cacha son visage dans ses mains et se plongea dans de sérieuses réflexions.

Cependant le détachement continuait rapidement sa marche. Grâce à cette habitude qu’ont les Mexi-