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LES FRANCS TIREURS

— C’est un piège, dit-il.

— Oui, répondit le Cœur-Loyal, mais dans quel but ?

— Que sais-je ? murmura le Canadien.

— Vous avez dit, padre Antonio, fit le jeune homme en s’adressant au moine, que vous soupçonniez la raison de la conduite extraordinaire des Apaches à votre égard.

— Je l’ai dit en effet, répondit-il.

— Faites-nous connaître ce soupçon.

— Il m’a été suggéré par la façon même d’agir des payens, et par le piège grossier qu’ils vous tendent ; il est évident pour moi que le chef apache espère, si vous consentez à l’entrevue qu’il vous propose, profiter de votre éloignement pour s’emparer de doña Carméla.

— De moi ? s’écria la jeune fille avec un mouvement d’épouvante, surprise et alarmée à la fois de cette conclusion, à laquelle elle était loin de s’attendre.

— Les Peaux-Rouges aiment beaucoup les femmes blanches, reprit impassiblement le moine ; la plupart des courses qu’ils font sur notre territoire sont entreprises dans le but de s’emparer de captives de cette couleur.

— Oh ! s’écria Carméla avec un accent d’indomptable volonté, je préférerais mourir que devenir l’esclave d’un de ces démons féroces.

Tranquille secoua tristement la tête.

— La supposition de ce moine me paraît être juste, dit-il.

— D’autant plus, appuya fray Antonio, que les Apaches qui m’ont fait prisonnier sont ceux-là mêmes qui ont attaqué la venta del Potrero.