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LES FRANCS TIREURS.

— Des Apaches ? s’écria Tranquille avec surprise.

— Mon Dieu oui, reprit le moine, et je vous assure que lorsque je me vis en leur pouvoir je ne fus nullement rassuré ; cependant j’avais tort de craindre : loin d’inventer pour moi une de ces tortures atroces qu’ils infligent sans pitié aux blancs assez malheureux pour devenir leurs prisonniers, ils me traitèrent, au contraire, avec une extrême douceur.

Tranquille fixa un regard scrutateur sur le visage placide du moine.

— Mais dans quel but ? dit-il d’un accent soupçonneux.

— Ah ! reprit fray Antonio, voilà ce que je n’ai pu comprendre, bien que je commence peut-être à le soupçonner.

Les assistants se penchèrent vers le narrateur avec une expression d’impatiente curiosité.

— Ce soir le chef des Peaux-Rouges m’a lui-même accompagné jusqu’à une courte distance de votre campement, continua-t-il ; arrivé en vue de votre feu il me l’a désigné en me disant : Va t’asseoir à ce brasier, tu annonceras au grand chasseur pâle qu’un de ses plus anciens et plus chers amis désire le voir. Puis il m’a quitté après m’avoir fait les plus terribles menaces si je ne lui obéissais pas immédiatement. Vous savez le reste.

Tranquille et ses compagnons se regardèrent entre eux avec étonnement, mais sans échanger une parole.

Il y eut un assez long silence, enfin Tranquille se chargea d’exprimer à voix haute la pensée que chacun avait au fond du cœur.