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LES FRANCS TIREURS

Cependant tout a un terme dans ce monde ; le moine paraissait depuis quelque temps destiné à passer, avec la plus grande rapidité et presque sans transition, de la plus extrême épouvante à la sécurité la plus complète. Lorsqu’il se fut un peu réchauffé, la confusion mise dans ses idées par la brusque rencontre du chasseur céda peu à peu à l’influence de la cordiale réception qui lui était faite ; la voix douce de Carméla, en résonnant agréablement à ses oreilles, finit de rétablir l’équilibre dans son esprit et de chasser les lugubres appréhensions qui le tourmentaient.

— Vous sentez-vous mieux, mon père ? lui demanda Carméla avec intérêt.

— Oui, dit-il, je vous remercie, je suis maintenant tout à fait bien.

— Tant mieux. Voulez-vous manger ? avez-vous besoin de prendre quelque chose ?

— Rien, absolument, je vous rends grâce, je n’ai pas appétit.

— Peut-être avez-vous soif, fray Antonio, en ce cas, tenez, voilà une bota de refino, lui dit Lanzi en lui présentant une outre plus d’à moitié pleine de la réconfortante liqueur.

Le moine se fit prier tout juste ce qu’il fallait pour ne pas paraître trop aimer cette boisson ; puis il se laissa convaincre, et s’emparant de la bota, il but un copieux coup de la généreuse liqueur.

Cette libation acheva de lui rendre tout son sang-froid et toute sa présence d’esprit.

— Là, fit-il en rendant la bota au métis et en poussant un soupir de satisfaction, Dieu me garde !