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LES FRANCS TIREURS

loin, de crainte de recevoir une balle en pleine poitrine avant d’avoir eu le temps de s’expliquer avec ceux qu’il allait visiter si à la male heure.

Mais fray Antonio, malheureusement pour lui, était fort obèse ; il marchait lourdement et comme un homme habitué à fouler le terrain d’une ville ; de plus, la nuit était extrêmement sombre, ce qui faisait qu’à deux pas devant lui il ne pouvait rien distinguer, et qu’il était contraint de ne s’avancer qu’à tâtons, en trébuchant à chaque pas et en se fourvoyant à chaque obstacle qu’il rencontrait sur sa route.

Aussi ne marcha-t-il pas longtemps sans donner l’éveil à ceux qu’il désirait si fort surprendre et dont l’oreille exercée, sans cesse aux aguets, avait du premier coup saisi le bruit insolite dont lui-même ne s’était pas aperçu.

Fray Antonio, fort satisfait de sa manière de procéder et se félicitant intérieurement d’avoir si bien réussi à ne pas se faire découvrir, s’enhardissait de plus en plus et commençait à se rassurer presque entièrement, lorsque tout à coup il poussa un cri de terreur étouffé et s’arrêta comme si ses pieds eussent subitement pris racine dans le sol.

Il avait senti une lourde main tomber rudement sur son épaule.

Le moine se mit à trembler de tous ses membres, sans oser tourner la tête ni à droite ni à gauche, intimement persuadé que sa dernière heure était arrivée.

— Holà ! señor padre, que faites-vous donc à pareille heure dans la forêt ? lui dit alors une voix brusque.