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LES FRANCS TIREURS.

prise, et qui, après s’être désolés pendant quelques instants, prennent franchement leur parti en se disant que, le moment arrivé de donner de leur personne, peut-être un hasard fortuit les tirera d’embarras et fera tourner les choses à leur avantages au lieu de les accabler.

Ce raisonnement, tout faux qu’il soit, est fait plus souvent qu’on ne pense par une quantité de gens qui, après avoir dit intérieurement : Bah ! lorsque nous en serons là, nous verrons, forts de cette belle conclusion, poussent hardiment en ayant, et, chose extraordinaire, parviennent la plupart du temps à se sortir d’affaire sans laisser trop de leurs plumes dans la bagarre et sans savoir eux-mêmes comment ils ont fait pour si bien se débarrasser.

Le moine entra donc résolument sous le couvert, se guidant sur la lueur du foyer comme sur un phare.

Pendant quelques minutes, il marcha assez vite ; mais peu à peu, à mesure qu’il approchait, ses premières terreurs le reprirent : il se souvenait de la rude correction que lui avait fait administrer le capitaine Melendez, et cette fois, il redoutait pis encore.

Cependant, il se trouvait déjà si rapproché du campement, que toute tergiversation devenait oiseuse. Dans le but de s’accorder quelques instants de plus de répit, il mit pied à terre et attacha son cheval à un arbre avec une extrême lenteur ; puis, n’ayant plus de prétexte plausible à se donner pour retarder son arrivée parmi les chasseurs, il se décida à se mettre en route, en usant des plus minutieuses précautions pour ne pas être aperçu de trop