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LES FRANCS TIREURS

les quelques mots échangés à de longs intervalles entre les chasseurs demeuraient le plus souvent sans réponse.

Seule, Carméla, éveillée comme un rossignol, continuait à voix basse sa joyeuse conversation avec l’Oiseau-qui-chante, tout en se chauffant, car le froid était vif, et sans remarquer les regards inquiets que parfois le Canadien jetait à la dérobée sur elle.

Au moment où Lanzi et Quoniam se préparaient à se livrer au sommeil, un léger craquement se fit entendre dans les broussailles.

Les chasseurs, arrachés subitement à leurs secrètes préoccupations, relevèrent vivement la tête.

Les chevaux s’étaient arrêtés de manger, et, la tête tournée vers le fourré, les oreilles baissées, ils semblaient écouter.

Au désert, tout bruit a une raison d’être ; les coureurs des bois, accoutumés à analyser toutes les rumeurs de la prairie, les connaissent et les expliquent sans jamais s’y tromper ; le froissement de la branche sur laquelle se pose l’oiseau, le bruissement de la feuille tombant sur le sol, le murmure de l’eau à travers les cailloux qu’elle roule, rien n’échappe à la merveilleuse sagacité de ces hommes, dont les sens ont acquis une finesse extraordinaire.

— Quelqu’un rôde autour de nous, murmura le Cœur-Loyal d’une voix basse comme un souffle.

— Un espion sans doute, fit Lanzi.

— Espion ou non, l’homme qui s’approche est certainement un blanc, fit Tranquille en étendant le bras pour saisir son rifle déposé auprès de lui.