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LES FRANCS TIREURS.

ses mains, en jetant parfois un regard de côté sur le Cœur-Loyal, qui avait retiré un tison enflammé du foyer, et le tenait à sa portée afin qu’il pût lire, car la nuit était complètement tombée.

Ce manège dura pendant quelques instants ; enfin, le Cœur-Loyal, comprenant la cause de l’hésitation du chasseur, se décida à lui adresser la parole.

— Eh bien ! lui dit-il en souriant, que vous écrit le Jaguar ?

— Hum ! fit le chasseur.

— Peut-être, continua l’autre, est-ce si mal écrit que vous ne parvenez pas à déchiffrer son griffonnage ; si vous me le permettez, j’essaierai à mon tour.

Le Canadien le regarda ; la physionomie du jeune homme était calme ; rien n’indiquait qu’il eût la pensée de railler le chasseur. Celui-ci secoua la tête à plusieurs reprises ; puis, se mettant franchement à rire :

— Au diable la honte ! dit-il en lui donnant la lettre. Pourquoi n’avouerai-je pas que je ne sais pas lire ? Un homme dont la vie s’est écoulée au désert ne doit pas craindre d’avouer une ignorance qui ne peut rien avoir de déshonorant pour lui. Lisez, lisez, mon garçon, et sachons ce que nous veut notre équivoque ami.

Et il prit le tison des mains du jeune homme.

Le Cœur-Loyal déploya le papier sur lequel il jeta un coup d’œil rapide.

— La lettre est laconique, dit-il, mais elle est explicite.

— Ah ! ah !

— Écoutez.