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LES CHASSEURS D’ABEILLES

— Pourquoi me posez-vous cette condition ? demanda le jeune homme avec défiance.

— Cela ne te regarde pas : cette condition est-elle donc si dure que tu ne veuilles pas t’y soumettre ? Du reste, je n’ai pas d’explications à te donner, réponds-moi oui ou non, sans cela tu ne reverras pas doña Hermosa.

— Qui m’assure qu’elle est vivante ? reprit le jeune homme.

— À quoi m’aurait servi de la tuer ?

Don Fernando hésita un instant.

— Soit ! dit-il enfin, j’accepte, je demeurerai ici deux jours.

— C’est bien ! maintenant, va ; nous, nous partons.

— Un instant encore : me répondez-vous de la sûreté de mon compagnon ? Je sais que je puis me fier à votre parole.

— Je te jure que, tant qu’il demeurera avec moi, je le considérerai comme un ami, et que tu le trouveras sain et sauf au campement.

— C’est bien ! Au revoir, Estevan, tranquillisez don Pedro et dites-lui à quelle condition on m’a rendu sa fille.

— C’est moi qui le lui dirai, fit le Chat-Tigre avec un sourire d’une expression étrange.

Don Estevan et don Fernando s’embrassèrent, puis le chasseur se dirigea rapidement vers la grotte pendant que le Chat-Tigre, ses quatre compagnons et le mayordomo, reprenaient le chemin de la plaine.

Arrivé aux premiers arbres, le Chat-Tigre s’arrêta un instant et se tourna vers la grotte dans laquelle entrait en ce moment don Fernando.

— Ah ! murmura-t-il avec un sourire sinistre, en se frottant les mains, je crois que cette fois je tiens enfin ma vengeance ! Il se remit en marche et disparut sous le couvert.


XVIII

EL VOLADERO DE LAS ANIMAS


Nous avons dit que don Fernando Carril, ou le Cœur-de-Pierre, avait passé la plus grande partie de sa vie dans les déserts. Élevé par le Chat-Tigre dans le périlleux métier de chasseur d’abeilles, le hasard l’avait à différentes reprises conduit, bien que contre son gré, dans les régions où il se trouvait en ce moment. Aussi connaissait-il jusque dans ses repaires les plus cachés le Voladero de las Animas. Plusieurs fois déjà il avait cherché un abri dans la grotte où se trouvait alors cachée doña Hermosa : aussi ne lui fut-il nullement difficile de la trouver, bien que l’accès en fût, à une certaine distance, tellement bien dissimulé par des accidents naturels de terrain, que tout autre que lui aurait perdu un temps infini à la chercher.

Cette grotte, une des curiosités les plus extraordinaires de cette contrée, se divise en plusieurs parties qui s’étendent à une grande distance sous la