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— Messieurs, c’en est assez, dit Montbars en se plaçant entre eux.

— Parbleu ! fit le capitaine, je ne me soucie nullement de recommencer, je me reconnais doublement battu ; monsieur s’est juré d’avoir tout l’honneur de cette affaire : s’il l’avait voulu, dix fois il m’aurait tué.

— Oh ! monsieur, fit le jeune homme.

— Bah ! dit-il gaiement, je ne suis pas dupe de votre blessure, je ne suis qu’un écolier près de vous ; voici ma main, monsieur, serrez-la franchement, c’est celle d’un ami.

— J’accepte avec joie, monsieur, répondit Martial ; croyez bien que rien ne saurait me causer un plus vif plaisir.

— Allons, allons, dit en riant Montbars, tu as été plus heureux que sage, mon brave Grammont ; monsieur est un fort galant homme, tu ne t’es pas trompé ; il t’aurait certes tué s’il l’eût voulu.

— Ne parlons plus de cela, je vous en conjure, dit en souriant le jeune homme.

— Parlons-en, au contraire, reprit le capitaine avec une brusque franchise. Je suis un brutal ; j’avais besoin de cette leçon, je le répète ; mais soyez tranquille, camarade, je m’en souviendrai. Quel malheur qu’un aussi charmant compagnon que vous ne soit pas marin !

— Pardon, monsieur, je le suis

— Vrai, vous êtes marin ? fit-il avec joie.

— Certes, dit alors Vent-en-Panne, qui avait entendu toute cette conversation et s’était rapproché, et la preuve, c’est que monsieur est mon second lieutenant : c’est même en partie à lui que je dois le salut de mon navire.

— Pardieu ! voilà qui se rencontre à merveille, s’écria le capitaine ; si cela vous convient, nous naviguerons de compagnie à la côte, et nous jouerons de bons tours à ces scélérats de Gavachos.

— Eh ! mais, un instant, dit Vent-en-Panne, laissez-moi au moins le présenter à Montbars. C’est dans cette intention que je l’avais prié de se rendre ici.

— Il s’est, pardieu, bien présenté lui-même, répondit en riant le flibustier ; maintenant, mon vieux matelot, il peut se passer de toi, car c’est moi qui le cautionne.

Martial, flatté de cet éloge si délicat, salua Montbars, en rougissant de plaisir et d’orgueil.


IX

LES FRÈRES DE LA CÔTE

Était-ce par suite de motifs cachés, ou d’une détermination arrêtée à l’avance, que dans les événements que nous avons rapportés, Martial avait tenu une conduite si ferme et si décidée ?

Nous ne saurions le dire avec certitude. Peut-être le jeune homme, natu-