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mettre le canot à la mer, tandis que Michel descendait dans la chambre, afin de prévenir le major.

Celui-ci était éveillé. Rafraîchi et reposé par le sommeil, ce n’était plus le même homme : il envisageait maintenant sa position sous son vrai jour et comprenait que le moyen qui lui était offert de sortir de la position difficile où il se trouvait placé par sa double trahison, était plus avantageux que désagréable pour lui.

Ce fut d’un air presque riant qu’il souhaita le bonjour à Michel, et il ne fit aucune difficulté d’accepter le coup du matin que lui offrit le matelot.

— Eh bien ! lui demanda-t-il, où sommes-nous, Michel ?

— Major, nous sommes arrivés.

— Déjà ! ne craignez-vous pas qu’il soit un peu tôt pour descendre à terre ?

— Nullement ; il est neuf heures du matin.

— Si tard ? diable ! il paraît que j’ai bien dormi ; en effet, je me sens tout dispos ce matin.

— Tant mieux, major, c’est bon signe ; ah çà ! vous vous rappelez nos conventions, n’est-ce pas ?

— Parfaitement.

— Et vous jouerez franc jeu avec nous ?

— Franc jeu ! à mon tour je vous donne ma parole d’honneur, et quoi qu’il puisse advenir, je la tiendrai.

— Allons, cela me fait plaisir de vous entendre parler ainsi ; je commence à revenir sur votre compte.

— Bah ! bah ! fit en riant le major, vous ne me connaissez pas encore.

— Vous savez que le canot est paré ; il n’attend plus que vous pour déborder.

— S’il en est ainsi, je vous suis, Michel ; j’ai maintenant une hâte aussi grande que la vôtre d’en finir.

Le major monta alors sur le pont et s’embarqua dans le canot, qui déborda aussitôt et se dirigea vers le débarcadère.

Le cœur de Michel battait à rompre sa poitrine tandis qu’il suivait d’un œil anxieux la légère embarcation qui s’éloignait rapidement du navire, et qui déjà était sur le point de toucher le rivage.


XI

FRANCE, ADIEU !

À peine le major de l’Oursière eut-ils mis pied à terre sur l’île Sainte-Marguerite que tout fut en émoi dans le fort.

En effet, la veille au soir en quittant l’île, le gouverneur avait annoncé un voyage et une absence d’une et peut-être de deux semaines.

Le capitaine investi du commandement du fort pour la durée de son