Page:Aimard - Les Aventuriers, 1891.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après avoir pendant un instant examiné avec soin les objets environnants, comme s’il s’attendait à voir quelqu’un ou quelque chose qu’il n’apercevait pas, il se décida enfin à frapper trois coups dans ses mains.

Au même instant un homme surgit à deux pas de lui à peine.

Cette apparition fut si brusque, que, bien que préparé sans doute à la voir, le major tressaillit et fit un pas en arrière en portant vivement la main à son épée.

— Ah ! ah ! mon maître, fit l’inconnu d’une voix railleuse, me prenez-vous pour un spectre par hasard, que je vous cause si grande frayeur !

Cet homme était enveloppé d’un épais manteau dont les plis dissimulaient la taille, tandis qu’un chapeau empanaché à larges bords couvrait entièrement son visage et le rendait complètement méconnaissable ; seulement le bas de son manteau, relevé par le fourreau d’une longue rapière, témoignait que, quel que fût cet homme, il n’était pas venu désarmé à ce sombre rendez-vous.

— Je suis à vos ordres, monsieur, dit le major en portant la main à son chapeau, mais sans se découvrir.

— Et prêt à me servir sans doute, reprit l’inconnu.

— C’est selon, répondit brutalement le major, les temps ne sont plus les mêmes.

— Ah ! ah ! fit l’inconnu toujours railleur, qu’y a-t-il donc de nouveau, je serais charmé de l’apprendre de vous ?

— Vous le savez aussi bien que moi, monsieur.

— C’est égal, dites-moi toujours quelles sont ces grandes nouvelles qui apportent ainsi du premier coup des modifications à nos relations si amicales jusqu’à ce jour ?

— Il est inutile de railler ainsi, monsieur, je vous ai servi, vous m’avez payé, nous sommes quittes.

— Peut-être, mais continuez, c’est un nouveau marché que vous me voulez proposer, je présume ?

— Je ne veux rien vous proposer, je viens parce que vous avez témoigné le désir de me voir, voilà tout.

— Et votre prisonnier, en êtes-vous toujours satisfait ?

— Plus que jamais. C’est un charmant gentilhomme qui, certes, ne mérite pas le sort malheureux qui lui est fait ; je m’intéresse réellement à lui.

— Diable ! ce sera cher, alors, je n’avais pas mis cet intérêt en ligne de compte, j’ai eu tort, je le vois.

— Que voulez-vous dire, monsieur ? se récria le major d’un air offensé.

— Rien autre que ce que je dis, cher monsieur. Pardieu ! vous me la donnez bonne avec vos scrupules, vous qui, depuis dix-huit mois, recevez de toutes mains. Le cardinal est mort et le roi à l’agonie, voilà ce que vous vouliez m’annoncer, n’est-ce pas ? Un nouveau règne se prépare, et il est probable que, ne serait-ce que par esprit de contradiction, le nouveau gouvernement prendra le contre-pied de ce qu’a fait celui auquel il succède et que son premier soin sera d’ouvrir les prisons. Vous vouliez me dire encore que le comte de Barmont, qui possède à la cour de chauds amis, qui emploieront