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tressaillement de bonheur, l’aveu de cet amour, que, dès le premier moment, elle avait partagé.

Tout le monde était donc heureux au château ; le seul Michel faisait tache avec son visage renfrogné qui ne se déridait jamais ; plus il voyait les choses marcher rapidement vers la conclusion que désiraient les jeunes gens, plus il devenait sombre et soucieux.

Cependant la frégate avait quitté Algésiras pour Cadix.

Le duc, sa fille et don Stenio avaient fait la traversée à bord ; le duc de Peñaflor avait besoin de se rendre à Séville où il possédait de grands biens ; il avait accepté avec de vives démonstrations de joie la proposition que le comte lui avait faite de le conduire sur sa frégate jusqu’à Cadix, qui n’est qu’à vingt et quelques lieues de Séville.

Le lendemain de l’arrivée de la frégate à Cadix, le capitaine revêtit son grand uniforme, se fit mettre à terre et se rendit à l’hôtel du duc de Peñaflor.

Le duc, sans doute prévenu de sa visite, le reçut le sourire sur les lèvres et de l’air le plus affectueux.

Enhardi par cette réception, le comte, surmontant sa timidité, fit sa demande en mariage.

Le duc l’accueillit favorablement, dit qu’il s’attendait à cette demande, qu’elle comblait tous ses vœux, puisqu’elle faisait le bonheur de sa fille, qu’il chérissait.

Seulement, il fit observer au comte que, bien qu’il y eût trêve entre les deux nations, la paix, cependant, n’était pas signée encore, quoique, selon toute apparence, elle ne tarderait pas à l’être, qu’il craignait que la nouvelle de ce mariage ne nuisît à la fortune du comte en indisposant le cardinal contre lui.

Cette réflexion s’était déjà plusieurs fois présentée à l’esprit du jeune officier ; aussi courba-t-il la tête, sans oser répondre, n’ayant, malheureusement, aucune bonne raison à donner pour détruire les objections du duc.

Ce fut celui-ci qui vint à son secours, en lui disant qu’il y avait un moyen fort simple d’arranger les choses à la satisfaction générale, et de tourner cette difficulté en apparence insurmontable.

Le comte, tout palpitant d’espoir et de crainte, demanda quel était ce moyen.

Le duc lui expliqua alors qu’il s’agissait simplement d’un mariage secret. Tant que durerait la guerre, le silence serait gardé, mais aussitôt la paix conclue et un ambassadeur envoyé à Paris, le mariage serait déclaré publiquement au cardinal, qui alors probablement ne s’offenserait pas de cette union.

Le jeune homme avait été trop près de voir détruits à jamais ses rêves de bonheur, pour soulever la plus légère objection à cette proposition du duc ; secret ou non, le mariage n’en serait pas moins réel, le reste lui importait peu ; il consentit donc à toutes les conditions que lui imposa le duc, qui exigea que le mariage se fît de telle façon qu’il semblât l’ignorer, pour que, le cas échéant où ses ennemis essayeraient d’indisposer le roi contre lui, il pût