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M. de Barmont, accompagné de Bouillot et des gardes qui l’avaient amené, suivit le soldat.

Celui-ci lui fit traverser plusieurs corridors, monter plusieurs étages, puis il s’arrêta devant une porte garnie de formidables verrous.

— C’est ici, dit-il.

Le comte se tourna alors vers Bouillot et lui tendant affectueusement la main :

— Adieu, mon vieil ami, lui dit-il, d’une voix douce mais ferme, pendant qu’un vague sourire errait sur ses lèvres.

— Au revoir, monsieur le comte, dit Bouillot avec intention. Puis il prit congé de lui et se retira les yeux pleins de larmes.

La porte se referma avec un bruit lugubre sur le prisonnier.

— Oh ! murmura le vieux serviteur en descendant tout pensif l’escalier de la tourelle, malheur à ceux qui oseront se mesurer avec le comte de Barmont si jamais il sort de prison ! et il en sortira, je le jure, quand je devrais jouer ma vie pour réussir à le sauver !


V

COUP D’ŒIL EN ARRIÈRE

La famille des comtes de Barmont-Senectaire était une des plus anciennes et des plus nobles du Languedoc ; son origine remontait à une antiquité si reculée qu’on peut affirmer sans craindre d’être contredit qu’elle se perdait dans la nuit des temps.

Un Barmont-Senectaire combattit à Bouvines auprès de Philippe-Auguste.

La chronique de Joinville cite un Barmont-Senectaire, chevalier banneret mort de la peste à Tunis en 1270, lors de la seconde croisade du roi Louis IX.

François Ier, le soir de Marignan, créa comte, sur le champ de bataille même, Enguerrand de Barmont-Senectaire, capitaine de cent hommes d’armes, pour le récompenser de sa belle conduite et des grands coups qu’il lui avait vu porter pendant toute la durée de ce combat de géants.

Peu de familles nobles ont d’aussi beaux titres dans leurs chartes.

Les comtes de Barmont firent toujours partie de la noblesse d’épée ; ils donnèrent à la France plusieurs généraux célèbres.

Mais, avec le temps, la puissance de cette famille alla peu à peu s’amoindrissant ; sous le règne du roi Henri III, elle était réduite à un état voisin de la pauvreté. Cependant, fière à juste titre d’un passé sans tache, elle continua à porter la tête haute dans sa province, et si, afin de soutenir dignement son nom, le comte de Barmont s’imposa de dures privations, rien ne parut jamais au dehors et tout le monde l’ignora.

Le comte s’était attaché à la fortune du roi de Navarre, autant dans l’es-