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pauvres Indiens habitants de cette île, sont nos amis et qu’ils doivent être traités comme tels par vous !

Les aventuriers suivirent alors leurs officiers et s’embarquèrent dans l’ordre le plus parfait.

Au lever du soleil, l’escadre leva l’ancre. Il va sans dire que tous les rafraîchissements achetés par les aventuriers aux Indiens avaient été religieusement payés, et que nul n’eût à se plaindre de leur séjour à la Grande Caye du Nord.

Quelques heures plus tard, l’escadre entrait dans le canal qui sépare Saint-Domingue de la Tortue et venait mouiller au Port-Margot.

L’île espagnole apparaissait avec ses grands mornes, ses hautes falaises, ses montagnes, dont les cimes semblaient se cacher dans le ciel, tandis qu’à tribord, la Tortue, avec ses épaisses forêts verdoyantes, semblait une corbeille de fleurs s’élançant du fond de l’eau.

À peine mouillé, une pirogue montée par quatre hommes, accostait le lougre ; ces quatre hommes étaient le Poletais que déjà nous avons entrevu, un de ses engagés, l’Olonnais et O-mo-poua, le chef caraïbe.

L’Indien avait à peu près quitté le costume européen, pour reprendre celui de sa nation.

Montbars alla à la rencontre des visiteurs, les salua et les conduisit dans la cabine du lougre.

— Soyez les bienvenus, leur dit-il ; dans un instant les autres chefs de l’expédition seront ici, alors nous causerons ; en attendant, rafraîchissez-vous.

Et il donna l’ordre à un engagé de servir des liqueurs.

Le Poletais et O-mo-poua s’assirent sans se faire prier, l’Olonnais demeura modestement debout ; en sa qualité d’engagé, il n’osait se permettre de se mettre sur le pied de l’égalité avec les aventuriers ; Michel le Basque entra alors dans la cabine.

— Matelot, dit-il à Montbars, les capitaines Drack et David viennent d’accoster ; ils attendent sur le pont.

— Qu’ils descendent, j’ai à causer avec eux.

Michel le Basque sortit ; quelques instants plus tard, il rentra en compagnie des deux capitaines.

Après les premiers compliments, les deux officiers se versèrent une large rasade, puis ils prirent des sièges, et attendirent les communications que, sans doute, leur chef se préparait à leur faire.

Montbars connaissait le prix du temps, il ne mit donc pas leur patience à une longue épreuve.

— Frères, dit-il, je vous présente le Poletais, que déjà, sans doute, vous connaissez de réputation.

Les aventuriers s’inclinèrent en souriant, et tendirent spontanément la main au boucanier.

Celui-ci répondit cordialement à leur étreinte, charmé intérieurement d’une si franche réception.

— Le Poletais, continua Montbars, est délégué vers nous par nos frères