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cheval court sur les jarrets de derrière, se découvrit, et saluant respectueusement :

Santas tardes, señor don Sancho, dit-il d’une voix obséquieuse.

— Ah ! ah ! c’est toi, Birbomono ! répondit le jeune homme en touchant légèrement son chapeau, que diable fais-tu donc ici ? je te croyais pendu depuis longtemps déjà.

— Son Excellence veut rire, reprit l’autre avec une grimace de mauvaise humeur ; je suis le mayordomo de la señora.

— Je lui en fais mon compliment et à toi aussi.

— La señora était bien inquiète de Votre Seigneurie, je me préparais par son ordre à faire une battue aux environs, elle sera heureuse de vous voir arriver sans malencontre.

— Comment, sans malencontre ! reprit le jeune homme en lâchant la bride à son cheval ; que veux-tu dire, drôle ? et qu’avais-je à redouter par les chemins ?

— Votre Seigneurie n’ignore pas que les ladrones infestent les savanes.

Le jeune homme éclata de rire.

— Les ladrones, quel plaisant conte me fais-tu, toi aussi ? Allons, cours annoncer mon arrivée à ma sœur sans plus bavarder.

Le mayordomo ne se fit pas répéter l’injonction, il salua, piqua des deux et partit au galop.

Dix minutes plus tard, don Sancho mettait pied à terre devant le péristyle du hatto, où une jeune dame d’une rare beauté, mais d’une pâleur cadavérique, et qui semblait avoir peine à se soutenir tant elle paraissait être faible et malade, attendait son arrivée.

Cette dame était la sœur du seigneur don Sancho et la propriétaire du hatto.

Les deux jeunes gens demeurèrent longtemps embrassés sans échanger une parole, puis don Sancho offrit le bras à sa sœur et rentra avec elle dans l’intérieur de la maison, laissant au mayordomo le soin de veiller sur son cheval et ses bagages.

Le jeune homme conduisit sa sœur à un fauteuil, en prit un pour lui-même, le roula près du premier et s’assit.

— Enfin, dit-elle au bout d’un instant, d’une voix affectueuse, en prenant une des mains du jeune homme dans les siennes, je te revois, mon frère, te voilà, tu es près de moi, que je suis heureuse de te revoir !

— Ma bonne Clara, répondit don Sancho en lui baisant le front, voilà près d’un an que nous sommes séparés.

— Hélas ! murmura-t-elle.

— Et pendant cette année bien des choses se sont passées que tu me raconteras sans doute ?

— Hélas ! ma vie pendant cette année peut se résumer en deux mots : j’ai souffert.

— Pauvre sœur ! comme tu es changée en si peu de temps ! à peine pourrait-on te reconnaître ; moi qui accourais si joyeux à Santo-Domingo, à peine débarqué je me rendis à ton palais ; ton mari, qui n’est pas changé, lui, et que