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L’île de Saint-Domingue, découverte le 6 décembre 1492 par Christophe Colomb, est, au jugement général, la plus belle de toutes les Antilles ; sa longueur est de sept cents kilomètres, sur une largeur moyenne de cent vingt ; elle a quatorze cents kilomètres de tour, non compris les anses, et seize cents kilomètres carrés.

Du centre de l’île surgit un groupe de montagnes superposées l’une à l’autre d’où sortent trois chaînes courant dans trois directions différentes. La plus longue s’étend vers l’est, elle traverse le milieu de l’île en la partageant en deux parties presque égales. La seconde chaîne se dirige au nord, et aboutit au cap Fou. La troisième, moins étendue que la précédente, suit d’abord la même direction, mais décrivant bientôt une courbe vers le sud, elle va se terminer au cap Saint-Marc.

Dans l’intérieur de l’île on rencontre encore plusieurs autres chaînons mais beaucoup moins considérables. Il résulte de cette multiplicité de montagnes que les communications, surtout à l’époque où se passe notre histoire, étaient extrêmement difficiles entre la partie nord et la partie sud de l’île.

Au pied de toutes ces montagnes se trouvent des plaines immenses couvertes d’une végétation luxuriante ; les montagnes sont sillonnées par des ravins qui entretiennent une constante et bienfaisante humidité ; elles contiennent différents métaux, en sus du cristal de roche, du charbon de terre, du soufre, des carrières de porphyre, de schiste et de marbre, et sont couvertes de forêts de bananiers, de palmiers et de mimosas de toutes espèces.

Bien que les rivières soient nombreuses, malheureusement les plus considérables sont à peine navigables et ne peuvent être remontées en canot qu’à une distance de quelques lieues. Les principales sont la Neyva, le Macoris, l’Usaque, ou rivière de Monte-Cristo, l’Ozama, l’Iuna et l’Artibonite, la plus étendue de toutes.

Vue du large, l’aspect de cette île est enchanteur, on dirait un immense bouquet de fleurs surgissant du sein de la mer.

Nous ne ferons pas l’histoire de la colonie de Saint-Domingue. Cette île si riche et si fertile, grâce à l’incurie, à la cruauté et à l’avarice des Espagnols, était, cent cinquante ans après sa découverte, tombée à un tel degré de misère et d’avilissement que le gouvernement espagnol se voyait forcé d’envoyer dans cette colonie, devenue non seulement improductive mais encore onéreuse, des fonds pour solder les troupes et les employés.

Pendant que Saint-Domingue dépérissait ainsi lentement, de nouveaux colons, amenés par le hasard, s’établissaient au nord-ouest de l’île et en prenaient possession malgré la résistance et l’opposition des Espagnols.

Ces nouveaux colons étaient des aventuriers français, chassés pour la plupart de l’île de Saint-Christophe lors de la descente de l’amiral de Tolède dans cette colonie, et qui erraient dans les Antilles à la recherche d’un refuge.

À l’époque de la découverte, les premiers Espagnols avaient abandonné dans l’île une quarantaine de taureaux et de génisses ; ces animaux, rendus à