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l’homme dont je vous parle n’est autre que le terrible Montbars l’Exterminateur. »

— Ah ! murmura l’aventurier d’une voix étranglée, en serrant avec force sa main sur sa poitrine, elle a dit cela, cette femme ?

— Oui, mon frère, telles sont les paroles qu’elle a prononcées.

— Et, alors ?

— Alors, mon frère, moi, pauvre moine, je lui ai promis de vous chercher et de vous joindre n’importe où vous seriez, et de vous répéter ses paroles : je n’avais à redouter que la mort en essayant de vous voir, depuis longtemps j’ai offert à Dieu le sacrifice de ma vie.

— Vous avez agi en homme de cœur, moine, et je vous remercie d’avoir eu confiance en moi ; n’avez-vous rien à ajouter ?

— Si, mon frère. Lorsque cette dame me vit bien résolu à braver tous les périls afin de vous venir trouver : « Allez donc, mon père, ajouta-t-elle, c’est Dieu, sans doute, qui a pitié de moi et vous inspire en ce moment ; si vous parvenez jusqu’à Montbars, dites-lui que j’ai à lui confier un secret duquel dépend le bonheur de sa vie, mais qu’il se hâte, s’il veut l’apprendre, car je sens que mes jours sont condamnés et que bientôt je mourrai. » Je lui promis d’accomplir fidèlement sa volonté et je suis venu.

Il y eut quelques instants de silence. Montbars marchait la tête baissée, les bras croisés sur la poitrine, avec agitation, de long en large, s’arrêtant parfois en frappant du pied avec colère, puis reprenant sa marche saccadée en murmurant à demi-voix des mots sans suite.

Soudain, il s’arrêta devant le moine et le regardant bien en face :

— Vous ne m’avez pas tout dit ? reprit-il.

— Pardonnez-moi, mon frère, tout, mot pour mot.

— Cependant il est un détail important que vous avez oublié sans doute, car vous l’avez passé sous silence.

— Je ne comprends pas à quoi vous faites allusion, mon frère, répondit gravement le moine.

— Vous avez oubliez de me révéler le nom et la position de cette femme, mon père.

— C’est vrai, mais ce n’est pas un oubli de ma part : en agissant ainsi je me suis conformé aux ordres que j’ai reçus. Cette dame m’a supplié de ne rien vous dire touchant son nom et sa position ; elle se réserve de vous révéler, à vous-même, l’un et l’autre, j’ai juré de lui garder le secret.

— Ah ! ah ! seigneur moine, s’écria l’aventurier, avec une colère d’autant plus terrible qu’elle était concentrée, vous avez fait ce serment ?

— Oui, mon frère, et je le tiendrai à mes risques et périls, répondit-il avec fermeté.

L’aventurier éclata d’un rire nerveux.

— Vous ignorez sans doute, dit-il d’une voix sifflante, que nous possédons, nous autres ladrones, ainsi que nous appellent vos compatriotes, de merveilleux secrets pour délier les langues les plus rebelles, et que vous êtes en mon pouvoir !

— Je suis entre les mains de Dieu, mon frère : essayez, je ne suis qu’un