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hommes, ne revenait-il pas de son étonnement et répétait-il à chaque instant à Montbars qui se tenait calme et souriant à ses côtés :

— Mais que prétendez-vous ? voulez-vous vous emparer d’Hispaniola ?

— Qui sait ? répondit en raillant le flibustier.

— Cependant, il me semble que j’ai droit à votre confiance ! dit le gouverneur d’un ton blessé.

— À la plus entière, monsieur ; seulement, vous savez que la première condition de réussite dans une expédition, c’est le secret.

— C’est juste.

— Je ne puis rien vous dire, mais je ne vous empêche pas de deviner.

— Deviner ! mais comment ?

— Dame, peut-être la charte-partie vous mettra-t-elle sur la voie.

— Eh bien ! dites-la donc, cette charte-partie.

— Encore un peu de patience ; mais, tenez, voici Michel qui vient vers moi. Eh bien ! lui demanda-t-il, as-tu complété notre effectif, matelot ?

— Il ferait beau voir qu’il en fût autrement ! j’ai trois cent cinquante hommes.

— Diable ! c’est beaucoup.

— Je n’ai pu faire autrement que de les prendre ; quand il s’agit d’aller avec Montbars, il est impossible de les retenir.

— Allons, nous en passerons par là, puisqu’il le faut, dit en souriant Montbars ; donne-moi ta liste.

Michel la lui présenta ; le flibustier jeta un regard autour de lui et aperçut un agent de la Compagnie que la curiosité avait retenu, et qui était resté dans le hangar pour assister à l’enrôlement.

— Monsieur, lui dit-il poliment, vous êtes un agent de la Compagnie, je crois ?

— Oui, monsieur, répondit l’agent en saluant, j’ai cet honneur.

— Alors, monsieur, s’il en est ainsi, permettez-moi de vous prier de me rendre un service.

— Parlez, monsieur, je serai trop heureux de vous être agréable.

— Monsieur, mes compagnons et moi nous ne sommes pas de grands clercs, nous savons mieux nous servir d’une hache que d’une plume. Serait-ce trop présumer de votre obligeance que de vous prier de vouloir bien, pour quelques instants, me servir de secrétaire et écrire la charte-partie que je vais avoir l’honneur de vous dicter, et que mes compagnons signeront ensuite, comme il convient, après lecture ?

— Trop heureux, monsieur, que vous vouliez bien m’honorer de votre confiance, répondit en s’inclinant l’agent.

Puis, il s’assit devant la table, choisit du papier, prépara une plume et attendit.

— Silence, s’il vous plaît, messieurs, dit le chevalier de Fontenay, qui avait échangé quelques mots à voix basse avec Montbars.

Les conversations particulières s’arrêtèrent aussitôt, et un profond silence s’établit presque instantanément.

M. de Fontenay reprit :