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qui devient le vôtre, et si vous compromettez cet honneur, si vous oubliez vos devoirs, fit-il en frappant fortement son fusil dont les batteries résonnèrent avec un bruit sinistre, voilà qui vous les rappellera ; maintenant, suivez-moi.

— Soyez doux pour elle, Belle-Tête, ne put s’empêcher de dire M. de Fontenay, elle est si jeune !

— Je serai juste, monsieur le gouverneur ; maintenant, merci de votre impartialité, il est temps que je me retire. Picard, mon vieil ami, tu sais où me trouver !

— Je ne manquerai pas de t’aller voir, mais je ne veux pas interrompre ta lune de miel, répondit Picard en goguenardant.

Belle-Tête se retira, suivi de sa femme.

La vente ne présenta plus rien d’intéressant : les quelques femmes qui restaient furent adjugées à des prix fort inférieurs à celui auquel Louise avait été vendue, au grand regret, constatons-le, de messieurs de la Compagnie.

Les aventuriers se préparèrent à quitter le hangar où ils croyaient ne plus avoir rien avoir ; mais alors Montbars monta sur l’estrade, et d’une voix vibrante s’adressant à la foule :

— Frères, dit-il, arrêtez, j’ai une importante communication à vous faire.

Les aventuriers demeurèrent immobiles.


XVII

L’ENRÔLEMENT

Tous les aventuriers s’étaient groupés autour de l’estrade, attendant avec anxiété ce que Montbars avait à leur apprendre.

— Frères, dit-il, au bout d’un instant, je prépare une nouvelle expédition pour laquelle j’ai besoin de trois cents hommes résolus : qui de vous veut venir en course avec Montbars l’Exterminateur ?

— Tous ! tous ! s’écrièrent les aventuriers avec enthousiasme.

Le gouverneur fit un mouvement pour se retirer.

— Pardon, monsieur le chevalier de Fontenay, dit Montbars, veuillez demeurer quelques instants encore, je vous prie ; l’expédition que je projette est des plus sérieuses : je vais dicter une charte-partie à laquelle, comme gouverneur de la colonie, je vous prierai d’apposer votre signature avant celle de nos compagnons ; de plus, j’ai un marché à vous proposer.

— Je resterai donc, puisque vous le désirez, Montbars, répondit le gouverneur en reprenant son siège ; maintenant, quel est, je vous prie, le marché que vous me voulez proposer ?

— Monsieur, vous êtes possesseur de deux brigantins de quatre-vingts tonneaux chaque ?

— En effet, monsieur.