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Le Forestier

bâtiments, poussés par une bonne brise, s’effacèrent les uns après les autres et ne tardèrent pas à disparaître dans les lointains bleuâtres de l’horizon.

L’expédition était commencée.

M. d’Ogeron, qui avait voulu assister à l’appareillage, et qui était demeuré jusqu’au dernier moment debout à l’extrémité de l’embarcadère, se retira alors, et tout pensif il regagna l’hôtel du gouvernement.


XI

Comment le capitaine de Sandoval invita don Fernando à déjeuner à bord de la corvette « la Perle »


Un matin, vers dix heures, au moment où le comte de Castel Moreno se décidait enfin à quitter la couche moelleuse sur laquelle il était étendu, à passer sa robe de chambre et chausser ses pantoufles, sa porte s’ouvrit doucement son valet de chambre de confiance, Michel le Basque, entra dans la chambre à coucher et annonça à son maître que le señor don Pablo de Sandoval, capitaine commandant la corvette la Perle réclamait pour affaire urgente et qui n’admettait pas de délai la faveur d’être immédiatement introduit en sa présence.

Le maître et le valet échangèrent un sourire d’une expression singulière, et sur un signe du comte le capitaine entra.

Après les premiers compliments et les excuses réitérées de don Pablo de Sandoval sur l’heure peut-être un peu trop matinale de sa visite, Laurent, que toutes ces paroles oiseuses fatiguaient, résolut d’y couper court ; il avança un fauteuil au capitaine, en prit un pour lui-même et avec son plus charmant sourire :

— Je n’accepte vos excuses qu’à une seule condition, mon cher don Pablo, lui dit-il.

— Quelle est cette condition, señor conde ?

— C’est que vous accepterez franchement de déjeuner avec moi.

— Je ne vois pas qui m’empêcherait de déjeuner avec vous, comte.

— Très bien ! Alors, c’est convenu.