Page:Aimard - Le Grand Chef des Aucas, 1889.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toujours même silence. Rien ne bougeait dans la maison.

L’inquiétude commençait à gagner les arrivants.

Ce silence était d’autant plus extraordinaire que la visite du général était annoncée, que par conséquent on devait l’attendre.

— Oh ! oh ! fit-il, que se passe-t-il donc ici ? voyons, Diego ! dit-il au soldat, frappe encore une fois, et de façon qu’on t’entende !

Le soldat frappa à tour de bras, mais inutilement.

Don Pancho fronça le sourcil. Il eut le pressentiment d’un malheur.

— Enfoncez la porte ! commanda-t-il.

L’ordre fut exécuté en une seconde.

Le général entra dans la maison, suivi de son escorte.

Dans le patio, tout le monde mit pied à terre.

— De la prudence ! dit à voix basse le général au brigadier qui commandait l’escorte, placez des sentinelles partout, et faites bonne garde pendant que je fouillerai la maison.

Après avoir donné ces ordres, le général prit de chaque main un des pistolets de ses fontes et, suivi de quelques lanceros, entra dans la maison.

Partout régnait un silence de mort.

Le général visita plusieurs appartements, arriva à une porte.

Partout régnait un silence de mort.

Cette porte laissait, par son entre-bâillement, passer un mince filet de lumière.

Derrière s’entendaient des gémissements étouffés.

D’un coup de pied l’un des lanceros ouvrit la porte.

Le général entra.

Un spectacle étrange s’offrit à ses yeux étonnés :

Dona Maria, étroitement liée et bâillonnée, était attachée au pied d’un lit de repos en damas, tout maculé de sang.

Les meubles étaient renversés de côté et d’autre, deux cadavres étendus dans une mare de sans faisaient clairement deviner que ce salon avait été le théâtre d’une lutte acharnée.

Le général fit enlever les cadavres et ordonna qu’on le laissât seul.

Dès que les lanceros se furent éloignés, il ferma la porte du salon, et s’approchant de la Linda, il se hâta de la délivrer de ses liens.

Elle était sans connaissance.

En se retournant pour placer sur une table ses pistolets que, jusqu’à ce moment, il avait conservés à la main, il recula avec étonnement, presque avec épouvante.

Il avait aperçu un poignard planté dans cette table.

Mais ce mouvement instinctif de crainte n’eut que la durée d’un éclair. Le général se rapprocha vivement de la table, saisit le poignard qu’il enleva avec précaution et s’empara du papier qu’il traversait.

« Le tyran don Pancho Bustamente est ajourné à quatre-vingt-treize jours !

« Les Cœurs Sombres ! »

lut-il d’une voix haute et saccadée, en froissant avec rage le papier dans ses mains.